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Raouda-Schoucair Salwa

Beyrouth, 24 juin 1916

La plasticité de Salwa Raouda-Schoucair revêt une caractéristique fondamentale : l’union de la plus grande souplesse et de la plus grande rigidité, de la géométrie et de la sensualité, de la conviction la plus têtue et de l’élan le plus aérien, d’une pensée inébranlable dans ses certitudes et de l’écoute attentive du premier venu.

Élève de Onsi, chez qui elle fit plusieurs portraits réalistes, Raouda-Schoucair se consacra à la peinture sur une provocation et un a priori philosophique, pour relever le défi que lui lançait le déni, par un de ses professeurs, d’une identité artistique arabe. Elle décida de se mettre à la sculpture après un passage par l’abstraction des années 1950, avec la certitude d’y trouver un langage aussi visuel que tactile et le refus d’aller outre mesure dans des spéculations dont l’abstraction géométrique semblait dénier les termes et clore les débats.

Au lieu des quelques mois prévus, elle passa plusieurs années à Paris (1948-1951), et n’en revint que plus convaincue encore d’avoir raison. Aussi put-elle ensuite mener à Beyrouth, dans l’incompréhension et l’entêtement, une œuvre faite du déplacement ésotérique de ses convictions dans la logique de la géométrie. Il est vrai qu’elle suivait l’évolution de la sculpture liée à sa tendance, y ajoutant moins des apports locaux au niveau primaire qu’une réalité plastique plus raffinée, vécue dans la nécessité de ne pouvoir s’en tenir au folklore.

Son intégration des données spécifiquement arabes – modules calligraphiques, répétitions passant par la rigueur d’une opération mentale – fut autant liée aux mathématiques qu’à l’atavique fond ancestral, où la spéculation intérieure et l’explication des causes premières, des raisons et des effets, sont le cadre même de la vie et de la pensée.

Par la sculpture, Raouda-Shoucair a abordé la possibilité de la projection matérielle de son monde intérieur, que la rigueur de la peinture ne semblait tenter qu’en surface. En elle, les rythmes prennent corps, ainsi que les couleurs, les textures et la lumière. Avec Rayess, qui a beaucoup plus voyagé, et notamment séjourné en Angleterre, aux États-Unis et en Italie, elle révèle de manière intéressante l’influence d’une culture francophone sur sa sculpture, due au seul séjour à Paris et non à l’optique européenne plus large qu’impliquait son ouverture à la modernité.

Femme de quelques convictions simples et nécessaires, Salwa Raouda-Schoucair a élargi la dimension de sa réflexion à la cité et à l’approche de l’art, justifiant la nécessaire lecture de l’abstrait en pays d’Orient. 

Son intérêt tient au phénomène d’acculturation druze, au rapport d’avant-garde des formes et à la géométrisation qui est sa lecture propre de la calligraphie arabe et de sa tradition historique. Elle pose aussi la question de la manière dont le langage de l’abstraction européenne s’est intégré à une culture différente de celle où il fut conçu. Après les années 1950, l’évolution de sa sculpture a pris le pas sur le développement de sa peinture.

Ses expositions prennent toujours un tour pédagogique, en ce sens qu’elles sont destinées à faire le point de son travail pour le public : 1947 au Centre culturel arabe à Beyrouth, 1951 à la galerie Colette Allendy à Paris, 1952 au Centre d’études supérieures à Beyrouth, 1962 au Palais de l’Unesco à Beyrouth. Une rétrospective fut présentée en 1974 à la salle du Conseil national du Tourisme à Beyrouth.

Salwa Raouda-Schoucair, Beyrouth, 1999

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