top of page

Manetti Fernando

San Giminiano (Italie), 1899 – Beyrouth, 18 mars 1964

Fernando Manetti avait fait des études de peinture en Italie. Spécialiste de la fresque, il était venu à Jérusalem, à la fin des années 1930, pour y réaliser des peintures religieuses. Interné en Palestine par les autorités anglaises en tant que sujet italien au début de la Seconde Guerre mondiale, il finit par s’installer au Liban et enseigna la peinture à l’Académie libanaise des Beaux-Arts, ainsi que dans des cours privés.

Par l’influence qu’avaient exercée sur lui la peinture siennoise et Cézanne, et sans être pour autant le héraut d’une modernité à tous crins, Manetti a introduit au Liban une pratique différente de l’approche de la toile, où l’exubérance de la couleur n’était pas de rigueur. Un anti-impressionnisme pédagogique obligeait alors à une analyse formelle rigoureuse et à un goût des structures fortement marquées. Avant d’aller à la toile, il fallait la construire.

Aux yeux de Manetti, Cézanne clôturait l’histoire de l’art pour ce qui était de l’honnêteté et de la saisie de la sensation. La structure avant l’éclat de la couleur, le besoin de disséquer avant de construire, une manière de peindre en dessinant avec le pinceau, tel fut son exercice. Il voulait surprendre, au moment naissant, non pas la sensation mais la saisie picturale de la forme. Ceux qui lui succédèrent, allèrent chercher à Paris des leçons sous forme d’un néocubisme compris comme un effort élaboré pour construire la toile, alors qu’il était en fait, pour eux, la tentative de déconstruire la toile occidentale au niveau intellectuel afin d’essayer de la comprendre.

S’il n’a guère contribué à donner les réponses, Manetti a du moins aidé toute une génération de peintres libanais à poser les questions. Ce qu’il savait sur le métier allait au-delà des recettes. Aucune théorie ne lui semblait de grande utilité quand il fallait apprendre la peinture. Après avoir consacré tout son temps à l’enseignement, il fit une exposition à l’hôtel Bristol en 1963, et il en préparait une autre, en Italie, quand il mourut.

Sa peinture porte la marque d’un réalisme poétique, la transposition de la sensation y est allégée par la transparence du support et de la touche. Manetti avait représenté, à l’ALBA, le versant opposé de Gemayel, transparence des couleurs chez l’un, épaisseur de la pâte chez l’autre. Gemayel s’ébrouait dans la couleur et les formes, tandis que pour Manetti, l’exubérance de la vie était affolée par le désir volontaire et conscient d’une épuration des formes et d’une rigueur dans la tradition d’une peinture italienne où la jouissance naît de l’élision, de la virtuosité dans le sous-entendu. Gemayel apparaissait comme le lointain épigone d’une touche impressionniste d’une peinture qui ne pouvait aller au-delà du seul plaisir de peindre et de malaxer la pâte.

Dans la vie, Manetti avait le même goût des formes et des femmes que dans l’art. Sa rigueur tenait à l’exigence d’une peinture excluant l’exubérance prévisible et, en partie, facile. Il y avait la double influence de la tradition italienne et de l’apprentissage de la rigueur qui vous fait choisir plus de rigueur pour ne pas rentrer dans un baroque non ordonné. Ce qui jouait était, en quelque sorte, l’ordonnancement des sens. C’est sans doute ce qui attirait vers lui la plupart de ses élèves. Bien qu’il ne se gênât pas pour jouer l’artiste à lavallière, il voulait, comme eux, ordonner le monde et le visible.

bottom of page