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Hoyeck Youssef

Halta (Liban), 9 mars 1883–21 novembre 1962

Youssef Hoyeck fit ses études à Beyrouth, au Collège de la Sagesse, de 1898 à 1902. Il s’y lia d’amitié avec son condisciple Gibran Khalil Gibran. Tout comme Gibran fut une figure du rapport avec Paris, l’Amérique, la peinture et la littérature, Hoyeck fut une illustration du rapport de l’artiste avec Paris, l’Italie et le Liban, et de l’exil, dans une stratégie qui nous semble moins conquérante parce que moins complexe. Il fut dès le départ, détourné de la peinture par Gibran, au profit de la sculpture. Chez lui, l’investissement dans le modèle de l’Italie, comme lieu mythique d’une Renaissance à réactiver en Orient quatre siècles plus tard, devait péricliter sans qu’il ait pris conscience du décalage historique, du poids de l’Empire ottoman et de la révolution industrielle européenne. Hoyeck s’inscrivait dans la lignée de l’histoire culturelle maronite, et de son ouverture à l’interrogation arabe. Daoud Corm en avait été le représentant et traçait comme lui, le schéma idéal d’une Renaissance arabe calquée sur celle de l’Italie, mais ne pouvait que rester attaché à la peinture, car il n’avait pas à assumer les responsabilités patriciennes et déçues d’un neveu de Patriarche.

L’expérience de Hoyeck, ce fut Paris avec Gibran, entre 1908 et 1910. Il partagea son temps, jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale, entre Paris et Rome, où il s’installa en 1921. À son retour au Liban, en 1939, il passa dix ans à Beyrouth chez Charles Corm puis prit une retraite désenchantée, dans son village natal d’Aura.

Hoyeck poursuivit avec ténacité l’idée et la réalisation d’une sculpture totalement antimoderne dans une vision de la continuité historique du classicisme. Pour lui, la pédagogie de cette culture était essentielle au développement artistique des peuples. Il fut victime de son excès de sensibilité, ainsi que de sa vision d’un temps immobile. Par un ironique malentendu, il était l’auteur du monument aux Martyrs de la place des Canons érigé sous le Mandat français dans le cadre du dialogue franco-libanais et qui fit l’objet d’une polémique. Le monument fut attaqué au piolet et endommagé, comme symbole de la collaboration avec la puissance mandataire. L’agresseur ignorait probablement le rôle capital de Hoyeck dans le mouvement arabe qui se déployait autour du roi Fayçal. Le moment idéal, pour lui, fut celui du Liban stabilisé de la fin de la Mutassarifyat, où les chrétiens luttaient pour l’indépendance arabe.

Sculpteur de nature, Hoyeck n’en fit pas moins une peinture influencée par le réalisme poétique et qui n’est pas dépourvue d’intérêt.

Hoyeck était partagé entre un parent membre du gouvernement arabe de Fayçal, proclamé roi de Syrie et sa parenté directe au patriarche Hoyeck, négociateur principal de la création du Liban auprès de Georges Clémenceau. 

Charles Corm l’invite à son retour d’Italie au début des années 1930, à installer son atelier dans une cabane de bois dans son jardin. Il y travaillera plus de vingt ans, vivant de succédanés de mécénat dont la scène artistique libanaise est coutumière.

Dans le besoin à la fin des années 1940, il se confie à Corm qui lui promet à plusieurs reprises de lui acheter sa production. Aucune des promesses n’est tenue. Dès lors, Hoyeck rompt avec Corm, laisse toute sa production sur place n’ayant même pas les moyens de la déménager et s’installe dans la maison familiale à Aoura. Le peu d’estime où les milieux artistiques tinrent désormais Corm ne lui fut pas de grande consolation.

 

La maison d’Aoura fut fermée après sa mort, puis lentement pillée. Défaite amère et plus que l’amère défaite, il y avait surtout la destruction physique de la mémoire.

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