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Haddad Marie

Mekkine (Liban), 1889 – Beyrouth, 1er janvier 1973

Écrivain et peintre d’éducation française, Marie Haddad publia un recueil de contes, Les Heures libanaises, et exposa à Paris, en 1933 à la galerie Georges Bernheim et du 16 mai au 10 juin 1937 à la galerie Rotgé. Elle a participé aussi à la Foire internationale de New York, en 1939, et à l’Exposition internationale de Cleveland, aux États-Unis.

Elle fut l’un des meilleurs représentants de la culture libanaise des années 1930 et 1940, telle qu’elle s’élaborait dans la recherche de l’identité et de formes spécifiques. Il y a chez elle une manière abrupte de peindre en allant directement à la construction du tableau, un travail du motif raidi parfois par la stylisation nécessaire pour ne pas déséquilibrer l’attaque première, mais aussi la sensibilité aux moindres détails.

Peut-être n’y avait-il pas d’autre possibilité pour aller directement à la peinture libanaise que le motif, puisqu’il lui semblait qu’il fallait parer au plus pressé et qu’en l’occurrence, le plus pressé était de voir ce qu’il y avait autour de soi. La moitié de la démarche de la peinture consiste à comprendre cela.

Cette peinture libanaise fut-elle influencée, chez Marie Haddad, par ce que le public français imaginait que dût être une peinture libanaise ? Son tempérament, sa sincérité, les moyens picturaux qu’elle se donna devaient contrebalancer la facilité et la trompeuse attente du public au départ. Pour elle, écrire et peindre n’étaient pas une revendication, mais la construction consciente d’une réalité fortement vécue et transmise sans psychologie.

Préexistante, la charpente forte et massive enlève toute suavité à sa manière de marquer l’éloignement du réel par une pratique décalée de la technique picturale appliquée à tous les sujets qu’elle entreprit de peindre. Folklorisme et anecdote disparaissent donc de ses toiles de paysages et de Bédouines.

Farroukh, sans relever lui non plus de l’anecdote, abordait les mêmes sujets de la même manière, mais dans une optique plus liée à la situation de la peinture libanaise, à sa formation culturelle et à son fond socioconfessionnel. Pendant toute la période du Mandat français, il semblait aller de soi que l’on ne pouvait peindre que pour donner une image. Il fallait bien fournir une image de soi à cet Autre, présent dans le pays, qui y usurpait toutes les images possibles et, à la limite, était mandaté pour vous en fabriquer une.

Marie Haddad a été aussi importante, au niveau intellectuel, dans la mise en place de la peinture libanaise que Farroukh, Onsi et Gemayel. Elle appartint à cette génération de femmes, toutes élèves de Kober dans les années 1930, qui s’imposèrent dans la lecture du réel par une force étonnante.

À partir des années 1940, elle se marginalisa en entrant dans l’orbite d’une secte libanaise, le dahéchisme, à laquelle elle consacra son temps, ses moyens et ses travaux, traduisant de l’arabe en français poèmes et textes de Dahech, fondateur de la secte. Sœur de Michel Chiha, proche du président de la République Béchara el Khoury, elle combattit publiquement ce dernier en publiant livres et opuscules et en prenant position pour le fondateur de la secte que le pouvoir avait déchu de sa nationalité libanaise.

Une grande partie des écrits de Marie Haddad, notamment un très important journal, des archives, dessins et toiles, furent déposés à New York en 1976. L’arrière-plan familial fut très important chez elle, du fait de l’implication de Michel Chiha dans la vie culturelle et politique du Liban. Il est évident qu’elle trouva en Dahech la figure antinomique non de son mari, dahéchiste convaincu, mais de son frère.

Si, au début des années 1930, elle fonctionna à Paris comme la représentante d’un pays sous mandat, ne fut-elle que cela ? Sa forte volonté d’émancipation n’était pas uniquement liée à la force de la touche picturale et au désir d’appropriation du réel. Au-delà de la peinture, elle se reliait à toute la structure sociale de l’époque. Elle voulait aller plus loin ou, peut-être, avait besoin de plus de poésie. Elle a dit combien la société beyrouthine était vaine face aux tours de passe-passe d’un magicien oriental de métier, Dahech, qui la remettait d’un seul coup en question.

Cherchait-elle une vérité de l’illusion ? Dahech n’était pas une métaphore, mais il lui fit clairement comprendre qu’il lui fallait contrecarrer cette société illusoire par sa propre vérité. Son caractère faisait qu’elle ne se payait pas de mots. Elle fit venir Dahech auprès de Béchara el Khoury pour soigner sa dépression nerveuse, et il tenta aussi de soigner Michel Chiha.

Seuls, la publication du journal de Marie Haddad et un travail biographique détaillé pourraient permettre de placer en perspective son action et de dégager ce qu’elle eut de profondément révélateur quant à la construction de la société libanaise.

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Marie Haddad, Autoportrait, sans date

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