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Haddad Farid

Beyrouth, 1945

 

Farid Haddad fréquenta quelques mois, en 1962, l’atelier d’Onsi puis celui de Guvder, avant de s’inscrire à l’École des Beaux-Arts de l’Université américaine, où enseignaient Arthur Frick et John Carswell. Il fut, en 1968, préparateur d’anatomie à la Faculté de médecine de l’Université américaine de Beyrouth. Il passa de l’apprentissage des formes par la géométrie à une saturation où lui apparut la nécessité de l’émotion et de l’expression personnelles, car il ne pouvait plus fonctionner sur la seule instrumentation du dessin ; il eut à faire la synthèse entre un fond de mysticisme orthodoxe, et les leçons d’un père chimiste à l’Université américaine.

De l’émotion, Haddad ne percevait que les signes. Un premier séjour aux États-Unis l’aida à décoder l’irruption dans la toile de l’émotionnel et de l’affectif. Son éducation anglo-saxonne dans une famille convertie au protestantisme, puis son passage par l’atelier d’Onsi, lui firent apparaître la peinture comme un pragmatisme nécessaire.

Restait à l’interroger. Après son installation aux États-Unis, en 1976, il travailla sur les champs colorés proches de l’expérience américaine de l’animation de l’espace par la couleur. La liberté de la touche sembla aller vers un vide répétitif fait de traits et de hachures, puisqu’elle ne jouait plus à accrocher un motif, et que l’on ne pouvait plus compter sur la seule matière picturale pour retenir le regard. Haddad présente le cas d’une expérience d’influence typiquement américaine dans l’histoire de la peinture au Liban. Dans les milieux anglophones de Beyrouth, la peinture locale était ponctuée par Saliby et Farroukh, soit, à la limite, la seule compréhension de la reproduction et d’un art du portrait, et l’on éprouvait très peu d’intérêt pour la peinture moderne américaine.

Haddad dut donc s’accrocher directement au train américain. Or sa peinture ne fut perçue que comme un décodage de celle de Jack Tvorkov, par la liberté d’allure et du pinceau. Plus tard, dans un affinement, il simplifia le plus possible le cadre des formes, puis travailla avec plus de véhémence et de liberté la couleur comme surface et fond. C’était la première fois que cela arrivait dans la peinture libanaise. Il travaillait dans l’évidence d’une prise de conscience plus réelle et forte de ce qu’était la peinture. Ce langage, aussi articulé qu’il pût apparaître, ne répondait qu’à l’écho de la peinture américaine. Cela avait fonctionné avec Douaihy, dans le domaine de l’influence de l’expressionnisme abstrait. Influencé par celui-ci, Haddad l’assimila, sans doute parce qu’il n’avait pas subi l’ascendant d’une figure radicale ou d’une forte personnalité. Tvorkov était relativement peu connu hors du cercle des peintres, et son articulation à l’histoire de la peinture ne portait pas quelque chose de fondamental, mais était l’écho d’influences diverses.

Comme lui, Haddad utilisa le signe et la couleur dans le cadre de l’expressionnisme abstrait, mais en radicalisant le signe au niveau technique, comme seul structurant possible de la toile-couleur. Puis ce signe perdit ses références pour devenir le geste même du pinceau sur la toile, moins dans le sens d’une peinture gestuelle que comme autre variation de la manière dont se pose la couleur sur la surface et les signes engendrés. Finalement c’était une dualité sans en être une, puisqu’elle fonctionnait uniquement dans la couleur. La différence réside dans la technique d’utilisation.

La peinture de Haddad est-elle une peinture abstraite ? Elle représente plutôt le moment où elle ne s’interrogeait que sur elle-même et ne fonctionnait que sur ses propres signes. Mais à quoi se réduit le signe minimal, ou le champ structurel minimal qui « fait varier » la couleur ? Quelle est la technique pour rendre des variations de champ coloré sensibles à l’œil ?

Haddad n’a pas une optique de lecture, dans la tradition de l’impressionnisme, qui implique la continuité dans l’histoire de la peinture, mais fait un travail sur la couleur dans la seule tradition culturelle américaine. Cette réduction au signe était pratiquement le seul moyen de ne pas se laisser porter par un pathos de la signification et de la recherche, dont rien n’indique qu’il l’eût mené à bout avec plus d’originalité que la radicalisation qu’il apporta dans l’exercice réel de la peinture, même s’il fut fortement critiqué pour ce qu’on qualifia de déculturation et de coupure dans l’histoire de la peinture au Liban.

Il a exposé, en avril 1971, au Kennedy Center à Beyrouth, en mars 1972 à la galerie Contact, en 1973 et du 7 au 24 avril 1975 à la galerie Delta à Beyrouth.

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Saliba Douaihy est debout à droite et Farid Haddad, Beyrouth, 1972

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