Dib Moussa
Dlepta (Liban), 1730–1823
Moussa Dib qui avait été l’élève de Boutros Kobressi et avait étudié au Collège maronite de Rome prit en charge la représentation de la peinture plus que la peinture même. Il élabora la sienne comme expression de la complexité culturelle du milieu où il vivait. Peindre était pour lui la façon de se poser des questions. Il fut ainsi peintre, par ce qu’il refléta de ce qu’il avait compris et perçu de l’histoire de la peinture. Quelques textes et témoignages font état de son obstination, du goût violent de la peinture, et tout aussi violent d’un entourage où la peinture n’existait pas, et qui n’existait pas pour la peinture.
Dans la société cléricale à laquelle appartenait Moussa Dib les fonctions n’étaient pas étroitement délimitées. Il passa le flambeau à son neveu, Kenaan Dib. Si la peinture naïve se confondait avec la naïveté de peindre, elle serait partagée par tous les grands peintres, et serait la part la plus cachée de leur art, participant du même secret que l’amour, qui est de faire totalement et naïvement confiance. Elle en serait aussi la part la moins avouable. Mais vivre de rêver de peindre est aussi difficile que vivre de peindre. Le « détournement clérical » fut, pour Moussa Dib, la seule voie possible.
La recherche sur l’histoire de la peinture religieuse maronite reste à entreprendre, tout comme, d’ailleurs, sur celles des autres communautés. La rigidité de la saisie et de la compréhension du modèle culturel libanais est ici transitoire et seul moyen d’immobiliser, pour l’analyser, une histoire trop complexe et pénétrée d’une série de données qui en feraient relever la saisie plus d’une œuvre de littérature que de la mise à jour de connaissances. Le lien entre l’histoire de la peinture maronite et l’histoire des formes et des représentations est riche du rapport à la langue, de la constitution de grammaires et de dictionnaires, de la recherche et de la spéculation intellectuelles, et aussi, du mode de vivre et survivre dans les conventions de sociétés radicalement différentes ou opposées.
L’histoire des formes et représentations dans la peinture religieuse maronite englobe autant les données orientales de la tradition picturale que l’apport progressif de la représentation occidentale ; elle est, évidemment, faite d’une addition de créateurs, plutôt que d’un mouvement continu ou généralisé dont le terrain serait celui de l’histoire culturelle.
Nommé en 1777 Supérieur du couvent de Saydet El Haklé, où il succédait à son oncle Boutros Dib, Moussa Dib fit, l’année suivante, le portrait de Hindyé Ajami. Il fut démissionné de son poste par le patriarche Hélou, en 1816, puis y fut réintégré en 1818, jusqu’à sa mort en 1826. À cette date la rupture avec Bkerké avait déjà commencé, mais non pas la rupture avec une peinture religieuse, et encore moins la rupture entre peinture religieuse et profane, distinction peu opérative et inutile.

Moussa Dib - Hindyé Ajami, 1778